3 juin 2020 ¡ª Asphyxi¨¦s par la pollution, la surp¨ºche et le changement climatique, les oc¨¦ans connaissent une forme de r¨¦pit avec l¡¯arr¨ºt temporaire de l¡¯activit¨¦ ¨¦conomique d? ¨¤ la pand¨¦mie de COVID-19. Pour les Nations Unies, la relance qui s¡®amorce offre l¡¯opportunit¨¦ de ? reconstruire en mieux ?, autour d¡¯une ? nouvelle r¨¦alit¨¦ ? plus respectueuse de l¡¯environnement et tourn¨¦e vers une gestion durable des ressources marines.

Cette r¨¦flexion de fond, la communaut¨¦ internationale pr¨¦voyait de l¡¯avoir ¨¤ Lisbonne, au Portugal, ¨¤ l¡¯occasion de la Deuxi¨¨me Conf¨¦rence mondiale sur la pr¨¦servation des oc¨¦ans. La crise sanitaire actuelle a entra?n¨¦ son report ¨¤ une date ult¨¦rieure, sans en r¨¦duire ni l¡¯urgence ni la port¨¦e, bien au contraire.

Les oc¨¦ans et les mers, qui couvrent plus de 70 % de la surface de la terre, sont en effet essentiels ¨¤ la survie de l¡¯humanit¨¦, ¨¤ laquelle ils fournissent oxyg¨¨ne, nourriture et ¨¦nergie. Si la p¨ºche de capture et l¡¯aquaculture pr¨¨s de 60 millions de personnes dans le monde, selon les chiffres de l¡¯, plus de trois milliards doivent leurs moyens de subsistance ¨¤ la biodiversit¨¦ marine et c?ti¨¨re.

Or, malgr¨¦ la pause pand¨¦mique, les oc¨¦ans sont en grande souffrance. Pr¨¨s de 60 % des stocks de poissons ont atteint les limites de la durabilit¨¦ et les deux tiers des ¨¦cosyst¨¨mes marins sont d¨¦grad¨¦s par la p¨ºche et la pollution. De plus, les ¨¦missions anthropiques de gaz ¨¤ effet de serre, principale cause du d¨¦r¨¨glement climatique, entra?nent un r¨¦chauffement et une acidification des oc¨¦ans, qui produisent moins d¡¯oxyg¨¨ne.

V¨¦ritables r¨¦gulateurs du climat, les oc¨¦ans absorbent 25 % des ¨¦missions de dioxyde de carbone (CO2) et 90 % de la chaleur exc¨¦dentaire accumul¨¦e dans le syst¨¨me climatique du fait des concentrations de gaz ¨¤ effet de serre, indique l¡¯. Les ¨¦missions ont beau avoir baiss¨¦ ¨¤ la faveur du ralentissement ¨¦conomique, le CO2 persiste dans l¡¯atmosph¨¨re et les oc¨¦ans pendant des si¨¨cles, l¡¯agence onusienne.

La crise de COVID-19 s¡¯accompagne en outre d¡¯une aggravation de la pollution des oc¨¦ans, li¨¦e notamment ¨¤ la hausse de la consommation de plastiques ¨¤ usage unique, qu¡¯il s'agisse d¡¯¨¦quipements de protection individuelle ou d¡¯emballages. Selon le , qui a lanc¨¦ en 2017 la campagne pour des mers propres (), plus de huit millions de tonnes de d¨¦chets plastiques finissent chaque ann¨¦e dans les oc¨¦ans.

Un objectif de d¨¦veloppement durable essentiel pour l¡¯apr¨¨s-COVID-19

Lors de la Journ¨¦e internationale des oc¨¦ans, c¨¦l¨¦br¨¦e le 8 juin, le PNUE  que les efforts d¨¦ploy¨¦s pour pr¨¦server le bien-¨ºtre et les ressources des oc¨¦ans s¡¯inscrivent dans le cadre de l¡¯Objectif n¡ã14 (ODD 14) du Programme de d¨¦veloppement durable ¨¤ l¡¯horizon 2030, lequel vise ¨¤ ? conserver et exploiter de mani¨¨re durable les oc¨¦ans, les mers et les ressources marines aux fins du d¨¦veloppement durable ?.

L¡¯ODD 14 a trois ambitions principales : la gestion durable des ressources via la pr¨¦servation de 10 % des zones maritimes et c?ti¨¨res, la lutte contre la surp¨ºche et la p¨ºche illicite ; l¡¯acc¨¦l¨¦ration des recherches scientifiques et du transfert de techniques pour renforcer la r¨¦silience des ¨¦cosyst¨¨mes et r¨¦duire l¡¯acidification des oc¨¦ans ; et la conception d¡¯opportunit¨¦s de d¨¦veloppement ¨¦conomique pour les et les pays les moins avanc¨¦s (PMA), gr?ce ¨¤ une gestion durable des p¨ºches, de l¡¯aquaculture et du tourisme.

Un p¨ºcheur jette un filet dans l'eau pour attraper de petits poissons.

Pour que le redressement post-COVID-19 soit ? v¨¦ritablement durable ?, le PNUE dit attendre des ? r¨¦sultats ambitieux ? de la prochaine Conf¨¦rence mondiale sur les oc¨¦ans, intitul¨¦e pr¨¦cis¨¦ment ? intensification de l¡¯action fond¨¦e sur la science et l¡¯innovation aux fins de la mise en ?uvre de l¡¯Objectif n¡ã14 ?. Il s'agit, selon l¡¯agence, de garantir que les opportunit¨¦s de l' soient reconnues et incluses dans la reprise ¨¦conomique.

Avec l¡¯ODD 14 et l¡¯, ? nous avons un plan universellement accept¨¦ pour pr¨¦server la vie dans les oc¨¦ans, un plan qui combattra ¨¦galement le changement climatique et r¨¦duira le taux de r¨¦chauffement plan¨¦taire ?, estime pour sa part Peter Thomson, Envoy¨¦ sp¨¦cial du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU pour les oc¨¦ans.

Leur mise en ?uvre conjointe ? nous m¨¨nera vers l'avenir que nous voulons pour les personnes et pour l'oc¨¦an ?, a assur¨¦ le diplomate fidjien dans un ¨¤ ONU Info.

De l¡¯avis de M. Thomson, ? le plus grand risque de la pand¨¦mie serait peut-¨ºtre de perdre de vue le d¨¦fi le plus fondamental auquel l'humanit¨¦ est confront¨¦e, ¨¤ savoir l'effet que le changement climatique a sur notre plan¨¨te, maintenant et ¨¤ l'avenir ?.

Il convient donc, selon lui, de ? rester concentr¨¦ sur la r¨¦duction rapide de nos ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre ¨¤ des niveaux qui maintiendront le r¨¦chauffement climatique ¨¤ 1,5¡ã C au-dessus des niveaux pr¨¦industriels ?, comme le pr¨¦conise le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'¨¦volution du climat (GIEC).

La COVID-19, fen¨ºtre d¡¯opportunit¨¦ en Asie-Pacifique ?

Les oc¨¦ans tiennent une place particuli¨¨rement centrale en Asie-Pacifique. Dans cette r¨¦gion, la p¨ºche fait vivre plus de 200 millions de personnes, 80 % du commerce international s¡¯effectue par voie maritime et le tourisme est la principale source de revenus et d¡¯emplois. C¡¯est aussi en Asie que se trouvent huit des dix fleuves responsables de 95 % de la pollution plastique des oc¨¦ans, pr¨¦cise la Commission ¨¦conomique et sociale des Nations Unies pour l'Asie et le Pacifique (CESAP).

Dans un r¨¦cent , l¡¯organisme onusien consid¨¨re que l¡¯arr¨ºt de l¡¯activit¨¦ provoqu¨¦ par la COVID-19, conjugu¨¦ ¨¤ la r¨¦duction du trafic maritime et de la demande en ressources marines, pourrait apporter aux oc¨¦ans de la r¨¦gion la ? respiration n¨¦cessaire ? dont ils ont besoin pour se remettre des effets de la pollution, de la surp¨ºche et du r¨¦chauffement.

? En ces temps difficiles li¨¦s ¨¤ la pand¨¦mie de COVID-19, il est crucial de profiter de la fen¨ºtre d'opportunit¨¦ offerte par la r¨¦duction des ¨¦missions et de la demande d'¨¦nergie pour prot¨¦ger le milieu marin ?, a plaid¨¦ Armida Salsiah Alisjahbana, Secr¨¦taire ex¨¦cutive de la CESAP,  ¨¤ l¡¯occasion de cette publication.

Une plage jonchee de dechets platisques, a Mumbai, en Inde.

? ses yeux, le bien-¨ºtre des oc¨¦ans et le d¨¦veloppement durable sont ? inextricablement li¨¦s ?. En effet, a-t-elle soulign¨¦, ? bon nombre des d¨¦fis li¨¦s ¨¤ la conservation et ¨¤ l'utilisation durable des oc¨¦ans et des ressources marines r¨¦sident dans la nature transfrontali¨¨re et tr¨¨s complexe de la gestion des oc¨¦ans, associ¨¦e ¨¤ la compr¨¦hension fragment¨¦e de l'interaction entre les oc¨¦ans et les activit¨¦s humaines ?.

Le rapport appelle ¨¤ une mobilisation urgente des pays de la r¨¦gion dans les domaines cl¨¦s de la connectivit¨¦ marine, de la p¨ºche durable et de la pollution afin de stopper et d¡¯inverser la d¨¦t¨¦rioration des oc¨¦ans et de ¨¦cosyst¨¨mes marins. L¡¯adoption de pratiques vertueuses, par le biais d¡¯investissements ¨¤ grande ¨¦chelle dans une transition ? verte ?, est la condition d¡¯une meilleure r¨¦silience des oc¨¦ans dans la p¨¦riode post-pand¨¦mique, affirme la CESAP.

Dans cette perspective, la Commission invite ¨¦galement les pays d¡¯Asie-Pacifique ¨¤ appliquer syst¨¦matiquement les conventions, normes et standards internationaux sur la protection et l'utilisation durable des oc¨¦ans, tels que ceux adopt¨¦s par le PNUE, l' et l'.

L¡¯oc¨¦an, un alli¨¦ contre le virus

Pour Peter Thomson, la sant¨¦ humaine d¨¦pend en grande partie de la bonne sant¨¦ de oc¨¦ans. Les deux notions sont tellement interd¨¦pendantes que des micro-organismes d¨¦couverts ¨¤ des profondeurs extr¨ºmes sont utilis¨¦s pour acc¨¦l¨¦rer la d¨¦tection de la COVID-19.

Certains tests de diagnostic du coronavirus - mais aussi d¡¯autres virus comme ceux du sida et du Syndrome respiratoire aigu s¨¦v¨¨re (SRAS) - ont ainsi ¨¦t¨¦ d¨¦velopp¨¦s ¨¤ l'aide d'une enzyme isol¨¦e depuis un microbe trouv¨¦ il y a plus de 30 ans au large de l¡¯Italie par des microbiologistes am¨¦ricains de l'Institut oc¨¦anographique Woods Hole.

? Ce n'est qu'une des nombreuses utilisations prodigieuses de ces organismes ?, l¡¯oc¨¦anographe Francesca Santoro, chercheuse ¨¤ la , rappelant que ? l'oc¨¦an profond nous a d¨¦j¨¤ donn¨¦ des compos¨¦s pour traiter le cancer, les inflammations et les l¨¦sions nerveuses ?.

La biodiversit¨¦ oc¨¦anique est d¡¯une telle richesse que ? des ressources utiles ¨¤ la vie quotidienne des humains restent ¨¤ d¨¦couvrir ?, rel¨¨ve la scientifique. ? ses yeux, ? ann¨¦e apr¨¨s ann¨¦e, le lien entre la sant¨¦ humaine et la sant¨¦ des oc¨¦ans devient de plus en plus ¨¦vident ?, ce qui renforce le caract¨¨re vital de la pr¨¦servation de ces ¨¦cosyst¨¨mes.

Afin d¡¯appuyer ces recherches et de contribuer ¨¤ la mise en ?uvre de l¡¯ODD 14, les Nations Unies ont lanc¨¦ la pour les sciences oc¨¦aniques au service du d¨¦veloppement durable, dont la phase pr¨¦paratoire est coordonn¨¦e par la COI-UNESCO. L¡¯enjeu est de mettre au point avec la communaut¨¦ mondiale des oc¨¦ans une feuille de route scientifique et technologique pour les dix ans ¨¤ venir.

Parmi les objectifs de cette D¨¦cennie figurent la r¨¦alisation d¡¯un inventaire des ressources et des services ¨¦cosyst¨¦miques oc¨¦aniques, la collecte et la gestion de donn¨¦es sur la production de denr¨¦es alimentaires marines et l¡¯analyse des b¨¦n¨¦fices ¨¦conomiques et sociaux provenant de l¡¯utilisation durable des ressources marines. Des ¨¦tudes doivent par ailleurs ¨ºtre men¨¦es pour ¨¦valuer la r¨¦silience des ¨¦cosyst¨¨mes ainsi que l¡¯impact de la mont¨¦e des eaux et des ph¨¦nom¨¨nes m¨¦t¨¦orologiques extr¨ºmes.