15 mai 2020 ¡ª La pand¨¦mie de COVID-19 suscite un ¨¦lan de solidarit¨¦ entre les nations et les communaut¨¦s. Elle s¡¯accompagne aussi d¡¯un d¨¦ferlement de haine et de x¨¦nophobie, aliment¨¦ par la rumeur et la d¨¦sinformation sur le coronavirus. Face ¨¤ ce poison qui entrave la jouissance des droits humains, freine le d¨¦veloppement durable et menace la paix et la s¨¦curit¨¦ internationales, les Nations Unies pr?nent l¡¯action ¨¤ tous les niveaux de la soci¨¦t¨¦.   

? Nous devons agir maintenant pour renforcer l¡¯immunit¨¦ de nos soci¨¦t¨¦s face au virus de la haine ?, a plaid¨¦ le Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU, Ant¨®nio Guterres, dans un appel ¨¤ une ? action r¨¦solue pour mettre fin aux discours de haine dans le monde entier ?.

Comme le d¨¦taille une note d¡¯orientation publi¨¦e le 11 mai par l¡¯ONU, le ph¨¦nom¨¨ne prend des formes diverses, de la recherche de boucs ¨¦missaires ¨¤ l¡¯utilisation de st¨¦r¨¦otypes, de la stigmatisation de groupes ou d¡¯individus au recours ¨¤ des propos ? m¨¦prisants, misogynes, racistes, x¨¦nophobes, islamophobes ou antis¨¦mites ?.

Depuis que l¡¯ a d¨¦cr¨¦t¨¦, le 30 janvier, l¡¯urgence de sant¨¦ publique de port¨¦e internationale, des personnes d¡¯origine chinoise ou appartenant ¨¤ des minorit¨¦s ethniques et religieuses sont accus¨¦es de propager le virus. Il en va de m¨ºme pour certaines populations marginalis¨¦es comme les migrants et les r¨¦fugi¨¦s. Parall¨¨lement, des th¨¦ories complotistes circulent, visant p¨ºle-m¨ºle les juifs, les musulmans, les chr¨¦tiens ou encore les baha¡¯is.

 

? Nous devons agir maintenant pour renforcer l¡¯immunit¨¦ de nos soci¨¦t¨¦s face au virus de la haine ?, - Ant¨®nio Guterres, Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral de l¡¯ONU

 

Partout dans le monde, des journalistes, des lanceurs d¡¯alerte, des d¨¦fenseurs des droits de l¡¯homme, des travailleurs humanitaires et m¨ºme des professionnels de la sant¨¦ sont, eux aussi, la cible d¡¯attaques haineuses en lien avec leurs actions ou travaux sur la pand¨¦mie et ses cons¨¦quences.

? Alors que nous combattons la pand¨¦mie, il nous incombe de prot¨¦ger les personnes, de mettre fin ¨¤ la stigmatisation et de pr¨¦venir la violence ?, a soulign¨¦ M. Guterres, en appelant ¨¤ l¡¯implication dans ce double d¨¦fi de tous les acteurs de la soci¨¦t¨¦.

En compl¨¦ment de sa Strat¨¦gie et de son Plan d¡¯action sur les discours de haine, lanc¨¦s voil¨¤ tout juste un an, l¡¯ONU recommande aujourd¡¯hui d¡¯agir ¨¤ cinq niveaux, ¨¤ commencer par celui du Syst¨¨me des Nations Unies lui-m¨ºme.

Les d¨¦partements, agences, fonds et programmes de l¡¯ONU pri¨¦s de monter au front

Les diff¨¦rentes entit¨¦s onusiennes sont tenues de promouvoir le respect de la libert¨¦ d'opinion et d'expression. Parall¨¨lement, elles doivent condamner les discours de haine engendr¨¦s par la COVID-19, soutenir ceux qui les combattent et exprimer leur solidarit¨¦ avec les victimes. Elles sont aussi invit¨¦es ¨¤ surveiller et analyser le ph¨¦nom¨¨ne afin d¡¯appuyer des r¨¦ponses efficaces.

Dans une r¨¦cente , l¡¯ constate que ? la stigmatisation de certains groupes, tel que les migrants, en situation de crise n¡¯est pas nouvelle ?. Les maladies sont r¨¦guli¨¨rement per?ues comme ? ¨¦trang¨¨res ?, comme ce fut le cas pour le chol¨¦ra dans les ann¨¦es 1830, du VIH/sida dans les ann¨¦es 1980 et plus r¨¦cemment de la grippe H1N1.

Si la COVID-19 ? ne fait pas exception ?, la stigmatisation qu¡¯elle provoque atteint des niveaux sans pr¨¦c¨¦dent du fait ? de l'ampleur de la pand¨¦mie, des orientations claires sur sa d¨¦nomination de la part de l'OMS, de sa couverture m¨¦diatique et des commentaires connexes sur l'instrumentalisation politique ?, rel¨¨ve l¡¯OIM.

Pour le Directeur g¨¦n¨¦ral de l¡¯agence, Ant¨®nio Vitorino, ? il est ¨¦vident que les forces populistes qui font des migrants les boucs ¨¦missaires de tous les probl¨¨mes sociaux dans les pays d¨¦velopp¨¦s sont en train de mener une campagne pour profiter de la pand¨¦mie ?. Laisser prosp¨¦rer de tels discours risque, , de polariser davantage le d¨¦bat migratoire et de r¨¦duire les voies l¨¦gales pour les migrants, alors m¨ºme qu¡¯ils participent ¨¤ la vie des communaut¨¦s des pays d¡¯accueil.

Afin d¡¯aider les responsables des questions migratoires ¨¤ communiquer dans des contextes complexes comme celui de la crise actuelle, l¡¯OIM a publi¨¦ un mettant l¡¯accent sur des approches participatives et sur l¡¯implication des publics. L¡¯objectif est de permettre la production de campagnes de sensibilisation, de changement de comportement et d¡¯information, tout en r¨¦duisant l¡¯impact de la d¨¦sinformation sur la migration.

Dans le m¨ºme ordre d¡¯id¨¦es, l¡¯ a lanc¨¦ le 4 mai un gratuit en r¨¦ponse ¨¤ la mont¨¦e des discours de haine et d¡¯intol¨¦rance li¨¦s ¨¤ la COVID-19. Intitul¨¦ ? De la haine ¨¤ l¡¯espoir : cultiver la compr¨¦hension et les capacit¨¦s de r¨¦silience ?, il propose des solutions en mati¨¨re de pr¨¦vention et de sensibilisation, notamment dans l¡¯utilisation des r¨¦seaux sociaux.

? l¡¯attention des gouvernements, journalistes, m¨¦dias et acteurs non ¨¦tatiques de l¡¯Afrique de l¡¯Est, l¡¯UNESCO a par ailleurs organis¨¦, le mois dernier, un consacr¨¦ aux moyens de d¨¦construire la d¨¦sinformation et les discours de haine dans cette r¨¦gion ¨¤ fort risque ¨¦pid¨¦mique.

Les ?tats Membres appel¨¦s ¨¤ respecter les droits humains en toute circonstance

? ses ?tats Membres, l¡¯ONU demande de s¡¯assurer que toutes les communications publiques concernant la COVID-19 soient ? accessibles, pr¨¦cises, fiables, factuelles, transparentes et disponibles dans toutes les langues parl¨¦es par la population ?.  Elle leur demande ¨¦galement de ne pas attribuer la responsabilit¨¦ de la propagation du virus ¨¤ une communaut¨¦ et de promouvoir l¡¯inclusion.

? l¡¯occasion de la Journ¨¦e internationale pour l¡¯¨¦limination de la discrimination raciale, fin mars, la Rapporteuse sp¨¦ciale des Nations Unies sur le racisme, Tendayi Achiume, a ? inexcusables ? les r¨¦ponses politiques ¨¤ la pand¨¦mie qui ? stigmatisent, excluent et rendent certaines populations plus vuln¨¦rables ¨¤ la violence ?. Une cons¨¦quence en est que des ? personnes d'origine chinoise ou est-asiatique av¨¦r¨¦e ou suppos¨¦e ? font l'objet d'attaques racistes et haineuses en lien avec le virus.

Le 13 mai, Mme Achiume et son homologue charg¨¦ des questions relatives aux minorit¨¦s, Fernand de Varennes, ont le gouvernement bulgare ¨¤ mettre fin aux discours de haine et ¨¤ la discrimination raciale ¨¤ l¡¯encontre de la minorit¨¦ rom dans sa r¨¦ponse ¨¤ la crise sanitaire. ? Les autorit¨¦s ne devraient pas exploiter la pand¨¦mie pour exclure davantage les Roms et les pr¨¦senter comme criminels et contagieux ?, ont fait valoir les deux experts onusiens.

Le Rapporteur sp¨¦cial sur la libert¨¦ de religion ou de conviction, Ahmed Shaheed, s¡¯est quant ¨¤ lui , le 17 avril, que ? certains chefs religieux et politiciens continuent d'exploiter les moments difficiles de cette pand¨¦mie pour r¨¦pandre la haine contre les juifs et les autres minorit¨¦s ?.

D¡¯une mani¨¨re g¨¦n¨¦rale, l¡¯ONU appelle les ?tats ¨¤ veiller ¨¤ ce que toute mesure, l¨¦gislation ou politique d¡¯urgence d¨¦cid¨¦e en r¨¦ponse ¨¤ la pand¨¦mie soit conforme au droit international des droits de l¡¯homme, comme le souligne le dans ses concernant la COVID-19.

Les ?tats sont par ailleurs invit¨¦s ¨¤ d¨¦noncer fermement les discours de haine, la d¨¦sinformation, la m¨¦sinformation et les th¨¦ories complotistes, tout en garantissant que ces questions sont trait¨¦es dans les syst¨¨mes d¡¯apprentissage, par le biais notamment de la pens¨¦e critique et de .

Les m¨¦dias sociaux mis au d¨¦fi de la mod¨¦ration humaine

Devant la flamb¨¦e des messages de haine cons¨¦cutive ¨¤ l¡¯apparition du virus, M. Guterres a »å±ð³¾²¹²Ô»å¨¦ aux m¨¦dias sociaux ? d¡¯en faire davantage et de signaler et de supprimer, le cas ¨¦ch¨¦ant, conform¨¦ment au droit international des droits de l¡¯homme, les contenus racistes, misogynes ou pr¨¦judiciables ?.

Selon une ¨¦tude de la soci¨¦t¨¦ L1ght sp¨¦cialis¨¦e dans la d¨¦tection de contenus toxiques sur Internet, le nombre des messages de haine ciblant la Chine et des Chinois a bondi de 900% sur le r¨¦seau social Twitter depuis le d¨¦but de la crise li¨¦e au coronavirus. Plus largement, le trafic sur des sites haineux a progress¨¦ de 200% sur la m¨ºme p¨¦riode.

Face ¨¤ cette inflation alarmante, l¡¯ONU demande aux m¨¦dias sociaux de s¡¯assurer que leur politique relative aux discours de haine pr¨¦voit une ¨¦valuation du contexte social et politique, du statut et des intentions des ¨¦metteurs de messages, du contenu et de la port¨¦e de diffusion ainsi que des pr¨¦judices ¨¦ventuels pour les utilisateurs et le public.

D¡¯ores et d¨¦j¨¤, les g¨¦ants Facebook et Twitter ont revu leur politique en mati¨¨re de conduite haineuse. Alors que l¡¯¨¦pid¨¦mie devenait mondiale, ils se sont engag¨¦s ¨¤ durcir leur mod¨¦ration et ¨¤ filtrer la d¨¦sinformation sur la COVID-19, ¨¤ l¡¯instar des autres grandes plateformes. Le r¨¦seau Tik Tok a pour sa part fait appel ¨¤ un conseil d¡¯experts ext¨¦rieurs pour r¨¦viser ses r¨¨gles de contr?le des contributions, tandis que Pinterest a choisi de recourir ¨¤ l¡¯intelligence artificielle pour d¨¦tecter les mensonges. Certains contenus haineux continuent pourtant de passer ¨¤ travers ces mailles.

Pour y rem¨¦dier, l¡¯ONU recommande aux m¨¦dias sociaux de ne pas se fier excessivement ¨¤ l'automatisation, notamment en mati¨¨re de mod¨¦ration des contenus, et de d¨¦velopper des ? processus d¡¯examen humains ?. L¡¯Organisation pr¨¦conise en outre une surveillance accrue des discours de haine li¨¦s ¨¤ la COVID-19 sur les plateformes et une ¨¦valuation de leur impact sur les droits humains des utilisateurs.

Les m¨¦dias et les journalistes invit¨¦s ¨¤ faire preuve d¡¯¨¦thique et de responsabilit¨¦

L¡¯ONU demande aux m¨¦dias en g¨¦n¨¦ral de d¨¦clarer ? de mani¨¨re proactive et professionnelle ? les cas de propos haineux, de d¨¦sinformation, de m¨¦sinformation et de discrimination li¨¦s ¨¤ COVID-19, qu'ils soient le fait d'acteurs ¨¦tatiques ou non ¨¦tatiques.

Elle leur propose aussi d¡¯instituer des syst¨¨mes d¡¯autor¨¦gulation, de type ombudsman ou m¨¦diateur de presse, afin de garantir que le droit de correction ou de r¨¦ponse est appliqu¨¦ aux articles ou reportages Âá³Ü²µ¨¦s discriminatoires dans le contexte pand¨¦mique.

Pour la couverture de cette crise, l¡¯ONU appelle ¨¦galement les m¨¦dias et leurs journalistes ¨¤ adh¨¦rer aux ? normes ¨¦thiques et professionnelles les plus ¨¦lev¨¦es ?, afin de rapporter les faits avec pr¨¦cision et sans parti pris, en v¨¦rifiant les informations et en ¨¦vitant les st¨¦r¨¦otypes, sans se r¨¦f¨¦rer inutilement ¨¤ des crit¨¨res tels que la race, l'ethnicit¨¦, la nationalit¨¦ ou la religion.

Dans cet esprit, la F¨¦d¨¦ration internationale des journalistes (FIJ), premi¨¨re organisation mondiale de la profession, a ±ð³æ³ó´Ç°ù³Ù¨¦, d¨¦but mars, ses quelque 600 000 membres r¨¦partis dans 146 pays ¨¤ faire preuve de responsabilit¨¦ dans cette couverture. Selon elle, ? le r?le des m¨¦dias est de fournir aux citoyens des informations v¨¦rifi¨¦es, exactes et factuelles et d¡¯¨¦viter les informations sensationnalistes susceptibles de provoquer une panique et une peur g¨¦n¨¦ralis¨¦es ?.

Pour la FIJ, il est particuli¨¨rement crucial, dans ce contexte, de respecter la , dont les principes constituent ? le meilleur antidote contre la m¨¦sinformation, les fausses nouvelles et les th¨¦ories du complot qui circulent sur les r¨¦seaux sociaux ?.

La soci¨¦t¨¦ civile encourag¨¦e ¨¤ promouvoir l¡¯inclusion et la solidarit¨¦

Dans ses orientations, l¡¯ONU consid¨¨re essentiel que les personnalit¨¦s influentes de la soci¨¦t¨¦, notamment les chefs religieux, les dirigeants de syndicats et d¡¯organisations non gouvernementales (ONG), les responsables de la jeunesse et les influenceurs, d¨¦noncent activement la haine et expriment leur solidarit¨¦ avec ceux qui en sont la cible.

Devant la mont¨¦e, dans de nombreux pays, de l'ethno-nationalisme, de la stigmatisation et des discours de haine ciblant les groupes vuln¨¦rables, M. Guterres a lui-m¨ºme aux responsables religieux et aux organisations confessionnelles de ? d¨¦noncer activement les messages inexacts et nuisibles ? et d'encourager toutes les communaut¨¦s ? ¨¤ promouvoir la non-violence et ¨¤ rejeter la x¨¦nophobie, le racisme et toutes les formes d'intol¨¦rance ?.

Conform¨¦ment aux normes internationales en mati¨¨re de droits humains, la soci¨¦t¨¦ civile devrait collaborer avec les parties prenantes concern¨¦es - y compris les gouvernements, les Nations Unies, les organisations r¨¦gionales, les m¨¦dias sociaux, les journalistes, les universitaires et les experts - au suivi de l¡¯impact de ces fl¨¦aux en lien avec la pand¨¦mie. Son r?le est aussi de d¨¦velopper des r¨¦ponses impliquant les communaut¨¦s les plus touch¨¦es, par exemple en menant des campagnes d¡¯information sur les r¨¦seaux sociaux, estime l¡¯ONU.

Lundi prochain, ¨¤ la suite de la Journ¨¦e internationale du vivre-ensemble en paix c¨¦l¨¦br¨¦e le 16 mai, plusieurs entit¨¦s du D¨¦partement de la communication globale de l¡¯ONU organisent une r¨¦union d¡¯information en ligne ¨¤ l¡¯attention de la soci¨¦t¨¦ civile. Son th¨¨me : ? Combattre la stigmatisation, la x¨¦nophobie, les discours de haine et la discrimination raciale li¨¦s ¨¤ COVID-19 ?.

Parmi les intervenants attendus figurent Craig Mokhiber, Directeur du Bureau du HCDH ¨¤ New York, et plusieurs repr¨¦sentants d¡¯ONG en pointe sur ces probl¨¦matiques, notamment Human Rights Watch (HRW), le National Council of Negro Women (NCNW), association de femmes afro-am¨¦ricaines, et l¡¯Asian Americans Advancing Justice (AAJC), groupe de plaidoyer pour la communaut¨¦ asio-am¨¦ricaine.