Ma principale motivation ¨¤ ¨¦crire un article sur le VIH/sida a ¨¦t¨¦ mon d¨¦sir de contribuer et de collaborer ¨¤ la lutte contre ce fl¨¦au. Ma r¨¦action est bas¨¦e sur un sens profond du devoir, un engagement fort et une n¨¦cessit¨¦ vitale. Les psychologues d¨¦signent le comportement comme l'aptitude d'une personne ¨¤ appr¨¦hender le monde (le point de vue psychologique) qui, une fois transf¨¦r¨¦e dans un cadre social, donne lieu ¨¤ un syst¨¨me de valeurs sociales (le point de vue sociologique).

C'est dans ce contexte que je parle de ? responsabilit¨¦ individuelle mondiale ?, un concept qui incarne le comportement d'une personne qui, en tant que citoyen du monde, fait preuve d'un sens profond du respect des droits de l'homme et de la dignit¨¦. De fait, la responsabilit¨¦ individuelle mondiale implique le sentiment profond d'une obligation ¨¦thique et morale de mener une action positive, conscients que des personnes souffrent et qu'elles ont besoin de notre aide et de notre soutien. ?tre un citoyen mondial signifie avoir conscience de cette obligation et de ce droit.

Comment ne pas ¨ºtre en col¨¨re, indign¨¦s ou furieux lorsque l'on est t¨¦moin de souffrances humaines quelles qu'elles soient ? La responsabilit¨¦ individuelle mondiale incite ¨¤ la r¨¦bellion et ¨¤ l'action qui doivent se transformer en une obligation ¨¦thique et morale afin d'aider ceux qui souffrent de la faim, de l'extr¨ºme pauvret¨¦, du manque d'¨¦ducation, de toutes les formes de discrimination (sexe, couleur, race, religion, statut social et politique) ainsi que ceux qui ont connu un cataclysme ou qui font face ¨¤ une mort certaine ¨¤ cause du manque de soins, de ressources et d'information ou de la corruption structurelle end¨¦mique.

Je n'exclus en aucune fa?on les m¨¦canismes sociaux de solidarit¨¦. Au contraire, je m'emploie ¨¤ les renforcer et ¨¤ les consolider. Il est clair que les pays ont r¨¦pondu avec efficacit¨¦ aux catastrophes - la lutte contre le VIH/sida est un exemple et il y a lieu de les f¨¦liciter1.

Toutefois, les actions sociales seules ne suffisent pas : l'engagement doit venir d'un d¨¦sir profond¨¦ment ancr¨¦ en chacun de nous, car il est impossible d'oublier l'engouement populaire pour l'eug¨¦nisme dans les ann¨¦es 1980 et la stigmatisation associ¨¦e au VIH/sida comme cela avait ¨¦t¨¦ le cas avec la l¨¨pre, la tuberculose et le cancer. Comment oublier aussi tous les mythes li¨¦s ¨¤ l'agonie des malades du sida ? Comment oublier la s¨¦gr¨¦gation et l'isolement qui en r¨¦sulte ? Comment oublier les violences physiques dont elles sont victimes ainsi que leurs proches qui sont sp¨¦cialement vis¨¦s car, pense-t-on, ils sont eux aussi infect¨¦s ?

Le VIH/sida c'est aussi la faim et l'extr¨ºme pauvret¨¦, la discrimination, les droits de l'homme, l'injustice et les in¨¦galit¨¦s structurelles, le m¨¦pris envers les ¨ºtres humains, les in¨¦galit¨¦s sociales entre les personnes et les collectivit¨¦s, la corruption end¨¦mique, l'esp¨¦rance de vie et ¨¤ la mort. Combattre le VIH/sida c'est consid¨¦rer la vie comme un bien essentiel, comme un droit humain inali¨¦nable.

La lutte contre le VIH/sida est complexe et syst¨¦mique : des aspects scientifiques, ¨¦ducatifs, culturels et politiques y sont ¨¦troitement associ¨¦s. La science seule ne suffit pas, m¨ºme si elle a permis de r¨¦duire de mani¨¨re significative la transmission du virus de la m¨¨re ¨¤ l'enfant et de mettre au point une prophylaxie antir¨¦trovirale qui a augment¨¦ l'esp¨¦rance de vie qui est pass¨¦e de cent jours ¨¤ quarante ans. L'¨¦ducation a permis de sensibiliser les populations sur la pr¨¦vention, mais s'int¨¦resser exclusivement ¨¤ la pr¨¦vention nous fait oublier d'autres aspects importants contribuant ¨¤ sauver des vies. Le traitement et la pr¨¦vention doivent ¨ºtre globaux, accessibles et compatibles avec les diff¨¦rentes cultures. La pr¨¦vention ne peut ¨ºtre efficace que si les traitements le sont, sinon le d¨¦couragement prend le dessus. Le traitement est souvent inefficace parce que les patients issus de cultures diff¨¦rentes n'ont pas la m¨ºme approche du concept du temps et ne savent pas comment administrer les doses de fa?on appropri¨¦e2. Souvent l'inertie des gouvernements ou la corruption structurelle end¨¦mique sont ¨¤ l'origine du manque de ressources allou¨¦es au traitement du VIH/sida3.

Assumer une responsabilit¨¦ individuelle mondiale va au-del¨¤ de l'empathie. Cela implique un engagement actif au niveau individuel en vue de vaincre la maladie et de r¨¦duire le foss¨¦ des in¨¦galit¨¦s et l'exclusion. Assumer une responsabilit¨¦ sociale individuelle signifie autonomiser les communaut¨¦s qui ont ¨¦t¨¦ frapp¨¦es par la maladie et transformer la stigmatisation et la discrimination en solidarit¨¦ et en inclusion; prendre des d¨¦cisions d¨¦notant un engagement in¨¦branlable envers l'humanit¨¦; et d¨¦noncer le manque d'¨¦thique et inverser les souffrances humaines.

En tant qu'individu, nous choisissons de travailler activement en lan?ant une attaque contre la faim, la pauvret¨¦ et les in¨¦galit¨¦s qui sont les causes de cette pand¨¦mie exceptionnelle . Les comportements et les actions individuels constituent une nouvelle forme d'action mondiale en r¨¦ponse ¨¤ la souffrance humaine. Les g¨¦n¨¦rations futures nous jugeront sur la mani¨¨re dont nous avons g¨¦r¨¦ une crise qui a repr¨¦sent¨¦ un d¨¦fi pour la communaut¨¦ scientifique et r¨¦v¨¦l¨¦ l'¨¦tendue et les limites de notre monde moral. En tant que citoyens du monde, il est temps de prendre conscience de la valeur de l'humanit¨¦ et de r¨¦veiller notre responsabilit¨¦ individuelle.

Notes
1 Voir : ONU, ONUSIDA, UNICEF, D¨¦claration du Mill¨¦naire de l'ONU, Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement de l'ONU, Impact universitaire de l'ONU.
2 Pour ¨ºtre efficace, le traitement antir¨¦troviral doit ¨ºtre administr¨¦ en plusieurs doses ¨¤ des moments pr¨¦cis de la journ¨¦e. Dans certains pays africains, le concept du temps est diff¨¦rent du n?tre. Beaucoup n'ont jamais vu une montre de leur vie.
3 Les communaut¨¦s les plus pauvres au monde sont celles qui paient le plus lourd tribut ¨¤ l'¨¦pid¨¦mie du VIH/sida.