L'eau est omnipr¨¦sente : elle est essentielle ¨¤ toutes les formes de vie et ¨¤ la plupart des activit¨¦s ¨¦conomiques. Les Nations Unies ont d¨¦clar¨¦ que l'eau salubre et potable et l'assainissement qui, avec d'autres activit¨¦s domestiques repr¨¦sentent environ 7 ¨¤ 10 % de la consommation totale de l'eau, ¨¦taient un droit humain. Nous avons besoin d'eau pour les transports, les activit¨¦s municipales et industrielles (environ 10 ¨¤ 30 %), l'agriculture (plus de 70 %) et les loisirs ainsi que pour d'autres activit¨¦s.

QUE SIGNIFIE LE TERME ? LOCAL ? CONCERNANT LA GESTION DE L'EAU ?

Le terme ? local ? d¨¦signe g¨¦n¨¦ralement les villages et les r¨¦gions o¨´ vivent les populations rurales, mais 50 % de la population ¨¦tant aujourd'hui urbanis¨¦e, le niveau local, avec 200 000 personnes suppl¨¦mentaires par jour ¨¦migrant dans les villes, est devenu urbain. Dans les petits pays et ceux de taille interm¨¦diaire, le niveau local comprend ¨¦galement le niveau urbain. Bien qu'impr¨¦cis, le terme concerne souvent ceux qui sont cens¨¦s assurer les services et le financement. Dans la plupart des pays, la responsabilit¨¦ de l'eau est d¨¦l¨¦gu¨¦e au niveau r¨¦gional et non pas au niveau local. Mais certains pays, comme le S¨¦n¨¦gal, essaient de g¨¦rer les services d'approvisionne?ment en eau au niveau national. Dans les tr¨¨s grands pays, les r¨¦glementations et les investissements sont con?us aux niveaux de la r¨¦gion, de l'?tat ou de la municipalit¨¦.

L'approvisionnement est une question qui concerne tous les niveaux. L'approvisionnement local en eau est souvent assur¨¦ par un fleuve ou par des eaux souterraines aliment¨¦es par un cours d'eau. Environ 70 grands fleuves internationaux sont d¨¦j¨¤ fragilis¨¦s par des pr¨¦l¨¨vements excessifs; plus pr¨¦cis¨¦ment, la quantit¨¦ d'eau utilis¨¦e pour les activit¨¦s ¨¦conomiques emp¨ºche les fleuves d'atteindre leur embouchure et de nourrir les ¨¦cosyst¨¨mes. L'approvisionnement en eau n¨¦cessite une infrastructure qui a des co?ts de mise en place et de maintenance. Les maladies, le d¨¦ficit alimentaire et la baisse des activit¨¦s ¨¦conomiques sont dus aux lacunes dans la gestion et les infrastructures d'approvisionnement en eau.

? tous les niveaux, l'argent et le financement sont une source de pr¨¦occupation, en particulier au niveau local. Les modes de paiement peuvent ¨ºtre les prix, les taxes ou les transferts s'il existe une entit¨¦ pour faire des transferts. Les infrastructures d'approvisionnement en eau ont un prix : selon les estimations de l'Organisation de coop¨¦ration et de d¨¦veloppement ¨¦conomique (OCDE), environ 18 milliards de dollars sont n¨¦cessaires chaque ann¨¦e pour r¨¦pondre aux nouveaux besoins d'infrastructures des Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement (OMD) li¨¦s ¨¤ l'eau potable et ¨¤ l'assainissement dans les pays du Sud, et 54 milliards pour maintenir et am¨¦liorer l'infrastructure actuelle.

POURQUOI LA GESTION DE L'EAU EST-ELLE LOCALE ?

L'eau est locale dans le sens o¨´ sa gestion dans un pays, une r¨¦gion ou une ville se refl¨¨te dans la culture, l'histoire, la religion, la g¨¦ographie, la g¨¦ologie, les caract¨¦ristiques des sols, l'¨¦conomie et les r¨¦gimes climatiques ainsi que dans les r¨¦alit¨¦s hydrologiques (r¨¦gimes des pr¨¦cipitations, fleuves, lacs, eaux souterraines et ph¨¦nom¨¨nes climatiques).
La diversit¨¦ des cultures et des ¨¦conomies locales joue un r?le important. Les probl¨¨mes li¨¦s ¨¤ l'eau, comme la s¨¦cheresse, se manifestent de fa?on similaire dans le monde, mais leurs cons¨¦quences sur l'¨¦conomie ou la sant¨¦ varient beaucoup : personne n'est mort de faim pendant la s¨¦cheresse qui a s¨¦vi en Australie pendant sept ans et le PIB n'a pas chut¨¦, alors que plusieurs centaines de milliers de personnes sont mortes de faim en Somalie l'ann¨¦e derni¨¨re. Dans trop de pays, la s¨¦cheresse p¨¨se lourd sur le PIB. Les cons¨¦quences des inondations sont diff¨¦rentes en termes de vie et de catastrophes en fonction de la pr¨¦paration et de la r¨¦ponse au niveau local. Le Bangladesh, par exemple, a consid¨¦rablement am¨¦lior¨¦ sa capacit¨¦ d'intervention face aux inondations au cours des dix derni¨¨res ann¨¦es; alors que les inondations faisaient, dans le pass¨¦, des dizaines de milliers de victimes, aujourd'hui le taux de mortalit¨¦ atteint une centaine de d¨¦c¨¨s, d? en grande partie au renforcement des capacit¨¦s locales. La m¨ºme pompe qui fonctionne pendant des ann¨¦es dans une situation ne durerait que quelques jours dans une autre. La quantit¨¦ d'eau n¨¦cessaire pour produire du coton dans la Vall¨¦e centrale de Californie est tr¨¨s inf¨¦rieure ¨¤ celle utilis¨¦e en ?gypte et dans le monde entier. Le niveau de pr¨¦paration aux inondations, la r¨¦ponse nationale, le niveau de coop¨¦ration, l'application des r¨¦glementations, la volont¨¦ ou la capacit¨¦ de changement, les effets sur les revenus, les pertes en vies humaines et en b¨¦tail et les cons¨¦quences sur la stabilit¨¦ politique varient consid¨¦rablement d'une communaut¨¦ ¨¤ l'autre.

Il est donc clair que les solutions doivent ¨ºtre adapt¨¦es au niveau local. Le partage des connaissances, les donn¨¦es, les id¨¦es et la technologie sont essentiels. La collecte de donn¨¦es, les technologies, les informations sur les syst¨¨mes, les informations techniques et les pratiques du syst¨¨me de facturation peuvent ¨ºtre con?ues localement, mais seront am¨¦lior¨¦es en faisant appel ¨¤ l'exp¨¦rience des autres. Le Partenariat mondial pour l'eau a une bo¨ªte ¨¤ outils pour le secteur de l'eau. L'Institut international de gestion des ressources en eau, laur¨¦at du prix Stockholm 2012, et l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture partagent des connaissances sur l'utilisation de l'eau dans l'agriculture. Le Conseil consultatif sur l'eau et l'assainissement aupr¨¨s du Secr¨¦taire g¨¦n¨¦ral des Nations Unies, dont je suis membre, a con?u et encourag¨¦ la cr¨¦ation de l'Alliance mondiale des Partenariats des op¨¦rateurs du secteur de l'eau d'ONU-Habitat pour que les services publics partagent leurs connaissances pour promouvoir les progr¨¨s. Les fournisseurs de services les plus efficaces sont, pour la plupart, des associations locales et des organisations non gouvernementales.

QUELS SONT LES PROBL?MES LOCAUX POUR LES POPULATIONS NON DESSERVIES

Les questions les plus importantes ne peuvent ¨ºtre trait¨¦es qu'au niveau local. Les structures d'¨¦nergie locales d¨¦terminent la priorit¨¦ donn¨¦e ¨¤ l'eau d'irrigation, donc le recours intensif aux eaux souterraines et aux moteurs diesel pour le pompage. En ce qui concerne l'eau potable, les d¨¦clarations selon lesquelles 1,2 milliard de personnes sont sans eau peuvent donner l'impression qu'elles n'ont aucun acc¨¨s ¨¤ l'eau. En fait, sans eau, ces personnes mourraient, tout simplement. Tout le monde a de l'eau. Mais, trop souvent, elle n'est pas salubre ni accessible ou suffisante pour assurer la sant¨¦ et le bien-¨ºtre humains. L'acc¨¨s ¨¤ l'eau salubre n'est pas n¨¦cessairement une priorit¨¦ importante, mais l'assainissement - une garantie pour la sant¨¦ et la dignit¨¦ - l'est encore moins. De fait, 2,5 milliards de personnes n'y ont pas acc¨¨s.

La question est donc de savoir pourquoi 1,2 milliard de personnes ne b¨¦n¨¦ficient pas d'un meilleur acc¨¨s ¨¤ l'eau. Pourquoi une faible priorit¨¦ politique est-elle accord¨¦e ¨¤ cette question ? Il y a de nombreuses r¨¦ponses - l'eau g¨¦r¨¦e par la municipalit¨¦ n'est pas accessible ¨¤ certains groupes ethniques ou ¨¤ des personnes vivant en dehors des p¨¦rim¨¨tres municipaux d¨¦clar¨¦s. L'eau est une priorit¨¦ relativement peu importante de l'aide au d¨¦veloppement. Les gens pr¨¦f¨¨rent consacrer leurs maigres ressources ¨¤ d'autres services, comme le t¨¦l¨¦phone, les transports, l'¨¦lectricit¨¦ ou les loisirs. Il y aura bient?t plus de t¨¦l¨¦phones mobiles dans les pays du Sud que de toilettes. Le choix personnel est donc une vraie question.

Pourquoi n'appuie-t-on pas la mise en ?uvre des projets relatifs ¨¤ l'eau ? Le fait est qu'environ 80 % des projets relatifs ¨¤ l'eau ne fonctionnent pas apr¨¨s trois ans. Il y a de nombreuses raisons ¨¤ cela. A-t-on analys¨¦ s¨¦rieusement ce qui est demand¨¦ aux personnes qui participent ¨¤ des projets relatifs ¨¤ l'eau et s'est-on demand¨¦ quelles ¨¦taient leurs motivations ¨¤ d¨¦pen- ser ces ressources de cette fa?on ? Qui a int¨¦r¨ºt ¨¤ apporter des changements et ¨¤ faire fonctionner les choses ? Qui a int¨¦r¨ºt ¨¤ bloquer les changements ? Qui d¨¦tient la solution, le pouvoir ? Le fonctionnement du projet d¨¦pend-il de changements dans les politiques ou la stratification locales ? Les politiques de la tarification ont-elle ¨¦t¨¦ r¨¦solues - en particulier en mati¨¨re de maintenance ? Existe-t-il des questions ethniques ou des conflits entre agriculteurs et ¨¦leveurs en ce qui concerne l'eau ? Les communaut¨¦s ou les organisations d'aide aux habitants de taudis participent-elles aux discussions sur ces questions ? Les femmes sont-elles incluses, exclues ou peuvent-elles ¨ºtre des agents du d¨¦veloppement ?

Deux organismes de l'ONU viennent d'annoncer le 22 mars 2012, Journ¨¦e internationale de l'eau, que l'objectif de l'eau potable a ¨¦t¨¦ atteint dans le monde gr?ce, en grande partie, aux investissements faits au Br¨¦sil, en Russie, en Inde, en Chine et en Afrique du Sud. Ce sont de bonnes nouvelles, mais la r¨¦alit¨¦ n'est pas aussi rose au niveau local, comme l'a fait remarquer G¨¦rard Payen, Pr¨¦sident du Programme commun de la surveillance de l'eau et de l'assainissement et membre de l'UNSGAB. Nous c¨¦l¨¦brons le fait que, collectivement, le monde a r¨¦duit de moiti¨¦ le pourcentage de la population qui n'a pas d'acc¨¨s durable ¨¤ un approvisionnement en eau de meilleure qualit¨¦, plut?t que l'actuel OMD consistant ¨¤ r¨¦duire de moiti¨¦ le pourcentage de la population qui n'a pas acc¨¨s ¨¤ un approvisionnement en eau potable, objectif approuv¨¦ par les gouvernements. Au moins 11 % de la population mondiale, soit 783 millions de personnes, n'ont toujours pas acc¨¨s ¨¤ une eau potable. La r¨¦alisation de l'objectif relatif ¨¤ l'assainissement progresse encore plus lentement.

DES VILLES ASSURANT UNE MEILLEURE GESTION DE L'EAU

Moteurs de la croissance, les villes ont aussi des taux de pauvret¨¦ ¨¦lev¨¦s et une infrastructure de services insuffisante. Il leur est plus facile de lever des capitaux. La Conf¨¦rence internationale de Bonn de 2011, dont j'ai ¨¦t¨¦ membre du conseil consultatif, a pr¨¦sent¨¦ des recommandations pratiques pour Rio +20 :

? ¨¦laborer des cadres et des plans conceptuels qui d¨¦terminent les synergies entre la gestion urbaine de l'eau et l'agriculture, et cr¨¦er un environnement permettant la mise en ?uvre;

? assurer une planification coordonn¨¦e pour la gestion des d¨¦chets, la r¨¦utilisation de l'eau, l'agriculture p¨¦riurbaine, l'¨¦nergie ¨¤ partir des d¨¦chets;

? d¨¦velopper des r?les et des responsabilit¨¦s clairs aux niveaux du pays et de la municipalit¨¦ et favoriser la coop¨¦ration intersectorielle afin d'assurer une utilisation de l'eau plus durable, am¨¦liorer les services d'assainissement et la sant¨¦ ainsi que la s¨¦curit¨¦ alimentaire.

LES LIENS ENTRE L'EAU ET L'?NERGIE

Il faut faire face ¨¤ la lutte accrue pour l'acc¨¨s ¨¤ la nourriture, ¨¤ l'eau, ¨¤ l'¨¦nergie aux niveaux local et national. Certains probl¨¨mes peuvent ¨ºtre trait¨¦s au niveau local, mais il est indispensable d'adopter un ensemble de r¨¨gles pour prot¨¦ger les ressources en eau, assurer le suivi des r¨¦glementations qui r¨¦gissent leur utilisation, investir dans l'agriculture et cr¨¦er une coh¨¦rence politique afin de traiter les conflits li¨¦s ¨¤ l'eau en vue de valider la gestion locale de l'eau. Les initiatives prises au niveau local peuvent ¨ºtre un obstacle aux progr¨¨s ou un tremplin.

Les t?ches d¨¦crites par la Conf¨¦rence de Bonn sont vastes et ardues, mais essentielles pour atteindre les objectifs nationaux et faciliter les mesures locales :

? ¨¦tablir un cadre directeur;

? r¨¦glementer les march¨¦s et instaurer un environnement propice;

? faciliter et financer l'acc¨¨s des populations les plus pauvres ¨¤ la nourriture, ¨¤ l'eau, ¨¤ l'assainissement et ¨¤ l'¨¦nergie;

? surveiller la r¨¦alisation progressive des droits ¨¤ l'eau,

? ¨¤ la nourriture et ¨¤ l'¨¦nergie;

? ¨¦valuer les contraintes institutionnelles et proc¨¦durales;

? formuler une feuille de route traitant chacun des secteurs d'opportunit¨¦s;

? ¨¦tablir un cadre favorable au dialogue et ¨¤ la coh¨¦rence politiques parmi les secteurs;

? renforcer la coh¨¦rence des cadres r¨¦glementaires ainsi que des programmes de planification et de gestion.

Les priorit¨¦s nationales et locales comprennent : des structures tarifaires favorables aux pauvres; des strat¨¦gies nationales en mati¨¨re d 'alimentation et de nutrition qui prennent en compte les cons¨¦quences pour l'eau et l'¨¦nergie; la production bio¨¦nerg¨¦tique et alimentaire; la cr¨¦ation d'une culture de r¨¦utilisation des eaux us¨¦es et de recyclage de l'eau; le renforcement de la gouvernance des terres et l'int¨¦gration de la gestion de l'utilisation des terres pour une utilisation efficace de la bio¨¦nergie par les pauvres; des ¨¦conomies d'eau et d'¨¦nergie et la r¨¦duction des pertes d'eau et d'¨¦lectricit¨¦; la gestion durable des eaux souterraines; l'utilisation de cultures vivri¨¨res, fourrag¨¨res et bio¨¦nerg¨¦tiques r¨¦sistant au sel dans les r¨¦gions c?ti¨¨res et salines concern¨¦es; la r¨¦duction de la vuln¨¦rabilit¨¦ aux catastrophes naturelles; la r¨¦duction de la pollution de l'eau et des terres.

C'est une t?che ardue, mais qui peut ¨ºtre r¨¦alis¨¦e par le biais de la collaboration et de la coop¨¦ration.