Par d¨¦finition, le d¨¦veloppement durable est une question de vaste port¨¦e qui pourrait englober des accords multilat¨¦raux ind¨¦pendamment du processus en cours visant ¨¤ d¨¦finir les objectifs du d¨¦veloppement pour l¡¯apr¨¨s-2015. Les questions qui sont aujourd¡¯hui d¨¦battues dans diverses instances comme,?entre autres, le changement climatique, le commerce international, la protection de l¡¯ozone, la pr¨¦vention des conflits et la population, contribuent d¡¯une certaine mani¨¨re au d¨¦veloppement durable. De m¨ºme, la diplomatie multilat¨¦rale a ¨¦t¨¦ men¨¦e ¨¤ plusieurs niveaux, avec plus ou moins de succ¨¨s, en fonction de la g¨¦ographie, des ressources naturelles, des int¨¦r¨ºts ¨¦conomiques communs, du niveau de d¨¦veloppement et de secteurs sp¨¦cifiques.

Les Nations Unies ont lanc¨¦ deux grandes initiatives diplomatiques : d¨¦finir un programme en faveur du d¨¦veloppement durable pour le monde et prot¨¦ger la plan¨¨te des effets n¨¦gatifs du changement climatique. Depuis des d¨¦cennies, ces questions sont un sujet d¡¯inqui¨¦tude et font l¡¯objet d¡¯efforts concert¨¦s de la communaut¨¦ internationale pour les traiter; elles sont, de plus, ¨¦troitement li¨¦es entre elles et sont ¨¦galement des questions d¡¯int¨¦r¨ºt universel. Pourtant, elles ont suivi des chemins diff¨¦rents, ont ¨¦t¨¦ fond¨¦es sur des structures diff¨¦rentes et selon le type de participation de toutes les parties prenantes, laissant la place ¨¤ une multitude d¡¯interpr¨¦tations des lacunes et des facteurs de r¨¦ussite.

Les n¨¦gociations en cours sur les objectifs de d¨¦veloppement durable (ODD) s¡¯appuient sur les Objectifs du Mill¨¦naire pour le d¨¦veloppement (OMD), dont l¡¯articulation et l¡¯acceptation ont fait l¡¯objet de controverses et de d¨¦bats. Les OMD, quoique non contraignants et critiqu¨¦s pour avoir une base analytique faible, ont trouv¨¦, au fil du temps, une l¨¦gitimit¨¦ et une participation plus grandes. Le processus visant ¨¤ les atteindre, qui peut ¨ºtre consid¨¦r¨¦ comme ambitieux, a ¨¦t¨¦ impressionnant, bien qu¡¯incontestablement in¨¦gal, ¨¤ la fois dans la forme et dans le contenu. Mais face aux pressions croissantes du changement climatique, ¨¤ la nature interd¨¦pendante des solutions et des adaptations, aux autres contraintes exerc¨¦es sur l¡¯environnement et ¨¤ la situation financi¨¨re mondiale, un appel a ¨¦t¨¦ lanc¨¦ pour ¨¦largir leur port¨¦e pour l¡¯apr¨¨s-2015 afin de traiter ces questions et d¡¯atteindre les objectifs de d¨¦veloppement durable dans le contexte de ses trois piliers (social, ¨¦conomique et environnemental). En tant que tel, le nouveau cadre en cours d¡¯¨¦laboration sera universellement applicable, mais pas uniquement centr¨¦ sur les probl¨¨mes des pays en d¨¦veloppement.

Le processus de d¨¦finition de la port¨¦e et des objectifs pour l¡¯apr¨¨s-2015, avec une couverture plus ¨¦tendue des questions que celle dans les n¨¦gociations sur le climat et avec un plus grand nombre de parties prenantes, a d¨¦but¨¦ en 2010; le processus d¡¯¨¦laboration des ODD a seulement d¨¦but¨¦ en 2012, apr¨¨s Rio +20. Toutefois, des mesures ont ¨¦t¨¦ prises pour faire converger ces deux voies du d¨¦veloppement durable et r¨¦duire le nombre d¡¯objectifs ¨¤ 17, et des progr¨¨s ont ¨¦t¨¦ faits ¨¤ cet ¨¦gard. Cela a ¨¦t¨¦ possible gr?ce ¨¤ l¡¯¨¦tablissement d¡¯un groupe de travail ouvert compos¨¦ de 30 membres, chaque si¨¨ge ¨¦tant partag¨¦ entre 1 et 4 ?tats Membres, et ¨¤ la mise en place d¡¯un processus ouvert associant toutes les parties prenantes, y compris la soci¨¦t¨¦ civile et les organisations scientifiques. Toutefois, les discussions les plus sensibles portant sur la mani¨¨re d¡¯atteindre les ODD n¡¯ont pas encore eu lieu et le r¨¦sultat qui en d¨¦coulera sera essentiel pour d¨¦terminer le niveau et l¡¯universalit¨¦ de la r¨¦ussite de leur r¨¦alisation.

Les n¨¦gociations sur les changements climatiques, bien que beaucoup plus controvers¨¦es et plus ¨¦loign¨¦es d¡¯un consensus, sont aussi une ¨¦tape essentielle pour l¡¯accord de 2015. Lors de la Conf¨¦rence des Nations Unies sur les changements climatiques, qui s¡¯est tenue ¨¤ Doha en 2012, au Qatar (COP18/ CMP8), les gouvernements se sont mis d¡¯accord pour1 :

  • travailler rapidement ¨¤ l¡¯entr¨¦e en vigueur en 2020 d¡¯un accord universel impliquant tous les pays, qui sera adopt¨¦ en 2015;
  • trouver des moyens pour accro?tre avant 2020 les niveaux de r¨¦duction des ¨¦missions.

La vingt et uni¨¨me session de la Conf¨¦rence des Parties ¨¤ la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 21) aura lieu en d¨¦cembre 2015 apr¨¨s la publication compl¨¨te du Cinqui¨¨me Rapport d¡¯¨¦valuation du groupe d¡¯experts intergouvernemental sur l¡¯¨¦volution du climat (GIEC) qui a confirm¨¦ que le ? r¨¦chauffement du syst¨¨me climatique est sans ¨¦quivoque, que l¡¯influence de l¡¯homme est claire et que des r¨¦ductions importantes et soutenues des ¨¦missions de gaz ¨¤ effet de serre sont primordiales2 ?. Lors du Sommet sur le climat, qui s¡¯est tenu le 23 septembre 2014 ¨¤ New York, le Pr¨¦sident du GIEC, R.K. Pachauri, a d¨¦clar¨¦ :
? Le rapport offre trois messages essentiels :
? D¡¯abord, l¡¯influence des hommes sur le climat est claire, et cette influence cro?t rapidement.?
Ensuite, nous devons agir vite et de mani¨¨re d¨¦cisive si nous voulons ¨¦viter des cons¨¦quences destructrices.
Enfin, nous avons les moyens de limiter le changement climatique en cours et de construire un meilleur avenir3. ?

Il est donc clair que nous devons poursuivre les objectifs du d¨¦veloppement durable et limiter la hausse des temp¨¦ratures ¨¤ moins de 2 ¡ãC tout en renfor?ant les mesures d¡¯adaptation pour faire face aux changements climatiques qui sont d¨¦j¨¤ une r¨¦alit¨¦. La question est de savoir comment. C¡¯est une question importante compte tenu des profondes diff¨¦rences en mati¨¨re de d¨¦veloppement dans le monde, y compris les niveaux de revenus ainsi que les diff¨¦rences de capacit¨¦s ¨¤ la fois des individus et des institutions. La difficult¨¦ de parvenir ¨¤ un consensus est due ¨¤ la question litigieuse de la responsabilit¨¦ historique et aux contributions futures des pays aux changements climatiques calcul¨¦es par rapport au niveau de 1990, l¡¯ann¨¦e de base. ?tant donn¨¦ la nature universelle de ces sujets, le r?le de la diplomatie multilat¨¦rale sera crucial pour sortir de l¡¯impasse dans laquelle on se trouve d¨¦j¨¤ ou bien on risque de se trouver.

Bien entendu, des diff¨¦rences essentielles existent entre ces deux domaines de la n¨¦gociation internationale :

  1. Les ODD et le programme de d¨¦veloppement pour l¡¯apr¨¨s-2015 seraient adopt¨¦s sous la forme d¡¯un instrument non contraignant (une r¨¦solution de l¡¯Assembl¨¦e g¨¦n¨¦rale) que les ?tats ne seraient pas tenus de signer ni de ratifier. Aucune obligation juridique ne serait impos¨¦e aux ?tats, alors que pour limiter le r¨¦chauffement climatique, il faudrait un instrument contraignant et des obligations juridiques, ce qui semble impossible ¨¤ r¨¦aliser. Les ?tats seraient davantage dispos¨¦s ¨¤ reconna?tre les points de vue expos¨¦s dans le premier cas que dans le second.
  2. Les ODD seraient fix¨¦s sous forme d¡¯objectifs, tandis que l¡¯accord de l¡¯apr¨¨s-Kyoto le serait sous forme d¡¯actions et d¡¯engagements. La Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a d¨¦j¨¤ fix¨¦ cet objectif, il faut maintenant agir pour l¡¯atteindre.

Quels sont donc les points forts et les points faibles des processus multilat¨¦raux autour de ces deux questions qui peuvent guider les recommandations durant les quelques mois qui pr¨¦c¨¨dent les r¨¦unions sur les ODD et les changements climatiques4 ?

Points forts

  • Une participation importante des parties prenantes
  • Une participation croissante associant toutes les parties prenantes en vue d¡¯aboutir ¨¤ un consensus sur les objec- tifs et les efforts mondiaux.
  • Reconnaissance de ? notre avenir commun ?
  • Sur les deux questions, il y a eu une reconnaissance croissante du besoin d¡¯agir, afin de rendre plus durables la soci¨¦t¨¦ et la plan¨¨te, et de la responsabilit¨¦ de chacun ¨¤ att¨¦nuer les changements climatiques et ¨¤ s¡¯y adapter en s¡¯assurant que ? personne n¡¯est laiss¨¦ pour compte ?.
    En revanche, les points faibles sont beaucoup plus?nombreux :

Points faibles

  • La formation de groupes plurilat¨¦raux dans le processus multilat¨¦ral a conduit ¨¤ un durcissement des positions et ¨¤ des n¨¦gociations quasi bilat¨¦rales qui ont donn¨¦ lieu ¨¤ des confrontations plut?t qu¡¯¨¤ la collaboration.
  • Les positions des pays au sein de ces groupes plurilat¨¦raux n¡¯ont pas ¨¦t¨¦ autant influenc¨¦es par la protection des int¨¦r¨ºts nationaux dans leur ensemble que sous la pression de groupes puissants d¨¦fendant leurs int¨¦r¨ºts.
  • Les principes accept¨¦s et appliqu¨¦s au niveau national, comme le principe de pr¨¦caution, la responsabilit¨¦ historique ou m¨ºme les responsabilit¨¦s communes, mais diff¨¦renci¨¦es, ont ¨¦t¨¦ soudain jug¨¦s irr¨¦alisables au niveau international en termes d¡¯op¨¦rationnalisation.
  • Malgr¨¦ des investissements tr¨¨s importants dans la science des changements climatiques et les d¨¦fis du d¨¦veloppement non durable, les n¨¦gociations se sont d¨¦roul¨¦es pendant des d¨¦cennies dans une indiff¨¦rence totale.
  • Les efforts consentis par les ?tats pour ¨¦duquer et sensibiliser la soci¨¦t¨¦ civile sur les comportements responsables et les cons¨¦quences des changements climatiques si rien n¡¯est fait ont ¨¦t¨¦ insuffisants.
  • Tr¨¨s peu d¡¯attention a ¨¦t¨¦ accord¨¦e au d¨¦veloppement de la recherche et aux capacit¨¦s institutionnelles dans les pays en d¨¦veloppement pour mieux contribuer ¨¤ l¡¯¨¦laboration de politiques fond¨¦es sur des preuves, ou ¨¤ la d¨¦finition, ¨¤ la fourniture et ¨¤ la mise en ?uvre de programmes sur le d¨¦veloppement durable. La perspective de faire face aux cons¨¦quences des changements climatiques en plus des difficult¨¦s consid¨¦rables qui existent d¨¦j¨¤ dans ces pays en mati¨¨re de d¨¦veloppement, ce qui augmente les probl¨¨mes existentiels dans un avenir tr¨¨s proche, est, pour le moins, redoutable pour les gouvernements.
  • Il y a lieu de soup?onner que la politique irrationnelle adopt¨¦e par les pays d¨¦velopp¨¦s pour essayer d¡¯engager les ¨¦conomies ¨¦mergentes ¨¤ prendre des mesures pour faire face ¨¤ leur plus grande vuln¨¦rabilit¨¦ vise ¨¤ prot¨¦ger des int¨¦r¨ºts concurrentiels. L¡¯irrationalit¨¦ de cette d¨¦marche d¨¦coule du fait que les pays d¨¦velopp¨¦s savent qu¡¯ils ont une plus grande capacit¨¦ d¡¯adaptation et sous-estiment les co?ts ¨¦conomiques ¨¦lev¨¦s li¨¦s aux impacts des changements climatiques ainsi que la faible r¨¦silience humaine compar¨¦e ¨¤ la r¨¦silience ¨¦conomique ou des infrastructures.

Aller de l¡¯avant

De nombreux arguments similaires peuvent ¨ºtre avanc¨¦s pour souligner les d¨¦fis auxquels les n¨¦gociations internationales ont r¨¦cemment fait face. Ce court article, toutefois, vise?¨¤ trouver un moyen diplomatique d¡¯aller de l¡¯avant dans ce qui semble ¨ºtre une impasse en mati¨¨re de n¨¦gociations sur le climat et de rep¨¦rer les obstacles potentiels ¨¤ la r¨¦alisation des ODD. Sans sous-estimer la complexit¨¦ de ces n¨¦gociations ni minimiser les d¨¦fis qui se pr¨¦sentent, les n¨¦gociateurs auront peut-¨ºtre envie d¡¯exp¨¦rimenter des m¨¦thodes innovantes pour trouver de nouvelles voies.

  • Des s¨¦ances de n¨¦gociations simul¨¦es pourraient ¨ºtre organis¨¦es entre des groupes internationaux repr¨¦sentant divers segments de la soci¨¦t¨¦ pour voir s¡¯ils peuvent parvenir ¨¤ un consensus sur les mesures ¨¤ prendre pour r¨¦pondre ¨¤ un d¨¦fi donn¨¦ li¨¦ au climat ou au d¨¦veloppement durable. Des s¨¦ances structur¨¦es entre les repr¨¦sentants des groupes financiers, des groupes industriels, des fournisseurs de technologie, des forums Simul¡¯ONU, des groupes universitaires et de recherche pourraient ¨ºtre rapidement organis¨¦es, qui auraient pour t?che explicite de d¨¦finir une proposition pour atteindre les objectifs mondiaux selon leur propre optique. Chaque proposition d¨¦finirait ¨¤ la fois les voies et les m¨¦canismes pour atteindre le r¨¦sultat voulu. Chaque groupe sectoriel pourrait ¨ºtre soutenu par un groupe d¡¯experts pertinent partageant le savoir scientifique et les positions de n¨¦gociation.
  • Un engagement plus fort du secteur financier est n¨¦cessaire pour d¨¦signer les instruments qui pourraient permettre de r¨¦pondre au d¨¦fi li¨¦ au financement de la lutte contre les changements climatiques des pays en d¨¦veloppement sans imposer un lourd fardeau aux pays d¨¦velopp¨¦s.
  • Il est urgent de lancer une initiative importante sur le renforcement des capacit¨¦s nationales, institutionnelles et humaines, afin d¡¯¨¦valuer les voies de transformation et de renforcer la confiance dans la capacit¨¦ ¨¤ trouver et ¨¤ mettre en ?uvre des solutions aux changements climatiques et au d¨¦veloppement durable, car imposer des solutions dans des cadres plurilat¨¦raux pourrait exacerber le d¨¦fi du d¨¦veloppement durable.
  • Il faut sans tarder examiner la question des ? co?ts ¨¦chou¨¦s ? et trouver des solutions.
  • Les gouvernements doivent ¨¦valuer d¡¯une mani¨¨re ouverte et transparente les effets des mesures prises (ou qui ne sont pas prises) en faveur du climat non seulement sur les g¨¦n¨¦rations pr¨¦sentes, mais aussi sur les g¨¦n¨¦rations et les ¨¦conomies futures.

En r¨¦sum¨¦, nous devons nous ¨¦carter de l¡¯approche d¨¦fensive adopt¨¦e ces derni¨¨res ann¨¦es, qui visait ¨¤ bloquer toute action positive, et adopter une approche d¨¦termin¨¦e ¨¤ trouver un moyen d¡¯aller de l¡¯avant pour le bien commun de la plan¨¨te.

Notes

1?????? Disponible sur le site .

2?????? Disponible sur le site ?.

3?????? Disponible sur le site?

4?????? Veuillez noter que cela ne s¡¯applique pas uniform¨¦ment aux ODD et aux changements climatiques.